Panser le futur

J’ai longtemps hésité à écrire cet article, par peur de blesser, de choquer ou de perturber des esprits déjà bien tourmentés par la situation anxiogène et inédite dans laquelle une partie de l’humanité est plongée. Néanmoins, la tête bourdonnante depuis plusieurs jours, je ne peux m’empêcher d’écrire afin d’essayer, avec toute la bienveillance à l’égard de chacun, de donner un sens, du sens, à cette crise sanitaire, humanitaire, économique, financière, et bientôt existentielle.

La puissance avec laquelle l’épidémie de Covid-19 bouleverse l’Occident est inimaginable. Pourtant habitué depuis quelques temps déjà à essayer d’anticiper une dégradation de notre système sociétal actuel, j’ai été extrêmement surpris par la rapidité avec laquelle les choses ont changé, et surtout l’inconscience et l’insouciance dont nous avons fait preuve alors que l’épidémie se répandait comme une traînée de poudre. Alors que de nombreuses personnes alertaient les citoyens et le gouvernement, ce dernier et la plupart d’entre nous n’ont rien entendu. Moi le premier. Le soir de la fermeture des commerces non-essentiels, j’étais à la terrasse d’un bar bondé, trop occupé à partager un moment privilégié avec des amis que je vois trop peu pour comprendre la gravité extrême de la situation.

Peut-être croyions-nous que le gouvernement était plus compétent et informé que les lanceurs d’alerte pour anticiper cette crise sanitaire ? Peut-être que des décennies de stabilité (relative, mais tout de même) du monde Occidental nous a rendu inaptes à réagir face à l’urgence ? Peut-être que, noyés dans nos petites bulles de confort individuelles, nous pensions être au dessus des « problèmes sanitaires du tiers-monde » ? Peut-être est-t-il devenu impossible de démêler le vrai du faux de l’information ? Peut-être un peu de tout ça.

Alors nous voilà toutes et tous confinés. Abasourdis, choqués, tristes, colériques, endeuillés, à l’arrêt. Et il me peine d’enfoncer le couteau dans la plaie, mais il me semble vital de prendre conscience de deux choses : notre part de responsabilité dans la situation actuelle, et le caractère mineur de cette crise par rapport à ce que le futur proche nous réserve.

Notre part de responsabilité

Il est légitime de vouloir blâmer le gouvernement et la population chinoise, et de pointer du doigt le manque d’hygiène évident et le traitement scandaleux des animaux sauvages sur le marché de Wuhan. En revanche, il serait hypocrite qu’une fois cette plainte émise, nous nions l’évidence de notre implication dans cette pandémie. Car Hubei, la province où l’épidémie s’est déclarée, est également un des pôles industriels majeurs de la Chine. Exploitations de coton pour la fabrication de vêtements, constructeurs automobiles (dont Citroën et Peugeot), usines d’écrans pour téléviseurs et smartphones… Une quantité faramineuse de biens de consommation à destination des pays occidentaux. La déforestation des milieux sauvages pour y semer du coton, construire des usines et des villages pour accueillir les ouvriers est donc une conséquence directe de notre mode de consommation. Cette déforestation favorise bien évidemment les contacts avec la faune sauvage, cette dernière étant contrainte de migrer en périphérie urbaine. Le virus Ebola transmis par des chauves-souris insectivores forcées de nicher en périphérie des villages d’Afrique en est un exemple flagrant.

Les générations précédentes et nous-mêmes sommes également collectivement responsables de la dégradation du système de santé Français, en prise depuis de nombreux quinquennats à une politique de financiarisation de l’hôpital. Nous avons élu les dirigeants qui ont transformé ce système. Nous avons laissé faire. L’incapacité de soigner convenablement les personnes atteintes du Covid-19 résulte de ces choix politiques.

Enfin, nous avons collectivement accueilli (et/ou courbé l’échine devant) une politique néolibérale, favorisant le libre-échange à outrance et donc la vitesse de propagation de l’épidémie. Cette politique a également mené à délocaliser notre production et à l’organiser selon la méthode du flux-tendu, en réduisant nos stocks de produits finis au minimum, en comptant sur le fait que nous pourrions les commander le moment venu. La pénurie de masques, de gel hydroalcoolique et d’autres produits pharmaceutiques indispensables à la gestion de la crise sanitaire actuelle en est une triste conséquence.

L’idée n’est pas ici d’accabler à tout-va ni de pointer du doigt nos comportements, mais de souligner le caractère systémique de nos modes de vies individuels et collectifs. Car cette crise sanitaire, aussi horrible soit-elle, est un doux clapot comparé à la tempête de catastrophes que nous nous apprêtons à vivre.

Les crises à venir

Voilà presque 50 ans que le Rapport Meadows a été publié. Un demi-siècle que nous sommes avertis des limites de la croissance, et nous n’avons fait qu’accélérer. Ces limites aujourd’hui largement dépassées, on ne peut que constater l’instabilité du système dans lequel nous sommes. Changement climatique, déforestation, plastification des océans, extermination de la biodiversité (l’extinction des espèces est un euphémisme pour déculpabiliser l’Homme et suggérer qu’elles « s’éteignent » d’elles mêmes. En vérité, elles sont massacrées), érosion des sols… Tout ça pour perpétuer un mode de vie qui n’a même plus l’air d’enthousiasmer grand-monde.

« Hier, l’homme apparut, champignon à foyer multiple. Son cortex lui donne une disposition inédite : porter au plus haut degré la capacité de détruire ce qui n’était pas lui-même tout en se lamentant d’en être capable. A la douleur, s’ajoutait la lucidité. L’horreur parfaite. »

Sylvain Tesson, la Panthère des neiges

Arrivé ici, le lecteur déjà anxieux de la situation actuelle pourrait m’accuser de jeter de l’huile sur le feu, de ne pas être assez optimiste, voire pire, pessimiste ! Je lui répondrai avec bienveillance que, selon moi, l’optimisme invite à l’inaction et à perpétuer le système actuel car « la science nous sauvera », « l’humanité a déjà traversé pire » et autres imaginaires basés sur le postulat que, quoiqu’il arrive, nous continuerons à monter toujours plus haut. Le pessimisme quand à lui, invite également à l’inaction, mais parce que « tout est foutu de toute manière », « à quoi bon se battre », « il faut bien mourir de quelque chose » et j’en passe. De manière générale, ces deux termes sont tellement mal utilisés dans la sphère médiatique et politique actuelle qu’ils devraient être réservés à de la philosophie de comptoir !

Que reste-il alors ? Le réalisme. Regarder les choses en face. Ne pas être dans le déni. S’informer. Accepter la situation telle qu’elle est, et faire avec. Comprendre. Agir. Appeler un chat un chat ! Car le reproche est souvent fait, aux personnes évoquant la situation catastrophique (le mot est faible) actuelle, de vouloir inutilement faire peur. Mais c’est partir du postulat qu’ignorer la réalité, faire l’autruche en somme, est une alternative possible et même souhaitable ! Qu’en fermant les yeux assez fort, on passera au travers. Mais c’est faux. La peur est présente quoiqu’il arrive. La différence, c’est qu’elle peut être un moteur si on en connaît l’origine et qu’on agit en conséquence. En revanche, elle sera forcément un frein si on ne fait pas l’effort de comprendre la situation actuelle.

En bref, prendre du recul sur notre société et poser un regard critique sur notre mode de vie actuel est la meilleure manière de comprendre ce qui ne va pas, et ce que nous devons changer.

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Construire un imaginaire

Cette crise est un électrochoc puissant qui vient chambouler nos convictions, qui met en exergue la fragilité et l’éphémérité de notre système. Nous devons nous en saisir pour remettre en question nos convictions profondes.

« La préhistoire pleurait et chacune de ses larmes était un yack. Leurs ombres disaient : Nous sommes de la nature, nous ne varions pas, nous sommes d’ici et de toujours. Vous êtes de la culture, plastiques et instables, vous innovez sans cesse, où vous dirigez-vous ? »

Sylvain Tesson, la Panthère des neiges

Tout est là. Où nous dirigeons-nous ? Cette question, effrayante par les réponses infinies qu’elle a à offrir, doit-elle longuement posée. Elle nous renvoie à notre imaginaire, individuel et collectif. Que voulons-nous construire ensemble pour demain ? Quel monde, quelles idéologies, quelle place de l’Homme souhaitons-nous laisser aux générations suivantes. Souhaitons-nous des générations suivantes ?

« Évidemment, il y a des difficultés, mais ce ne sont que des difficultés. Ce ne sont pas des limites physiques infranchissables. Par conséquent, compte tenu de ces complications et difficultés, la tâche qui nous incombe est d’imaginer des trajectoires qui nous mènent vers cette destination meilleure. »

Kim Stanley Robinson, le réveil des Imaginaires

Et lui encore, de rajouter :

« Nombreux sont ceux qui objecteront immédiatement que c’est trop dur, trop incertain, contraire à la nature humaine, politiquement impossible, anti-économique, et ainsi de suite. Oui, oui. Nous voici face au basculement de l’optimisme cruel dans le pessimisme stupide – ou appelons-le pessimisme bon-teint, ou cynisme, tout simplement. Il est aisé de s’opposer au tournant utopique en invoquant quelque principe de réalité peu rigoureux et pourtant omniprésent. Les riches le font constamment. »

Tout est dit. Cessons de nous mettre des bâtons dans les roues, imaginons et construisons ensemble un système qui fonctionne durablement, à l’opposé de ce que nous vivons actuellement. L’imaginaire de la croissance infinie s’effondre devant nos yeux : remplaçons-le par un imaginaire vertueux.

Nous avons eu, avec Delphine, cette chance incroyable de partir en Antarctique pendant plus d’un an. Ce fut notre électrochoc. Coupés de la société, sur une autre planète, nous avons pu constater, une fois revenus, l’absurdité totale du monde qui défilait devant nos yeux. Ce fut d’ailleurs une expérience très traumatisante. Sans repères, j’ai sombré pendant un temps dans une abyssale dépression. J’étais devenu une autre personne, je ne reconnaissais plus mon moi d’avant, bien représenté par la citation suivante :

« L’homme des villes de l’Occident technologique s’était lui aussi domestiqué. Je pouvais le décrire, car j’en étais le plus parfait spécimen. Au chaud dans mon appartement, soumis à mes ambitions électroménagères et occupé à recharger mes écrans j’avais renoncé à la fureur de vivre. »

Sylvain Tesson, la Panthère des neiges

Puis, un autre imaginaire s’est construit en moi, en nous, bien représenté ici par les mots d’Alain Damasio :

« Avec l’émergence de la modernité, de Descartes et de la philosophie des Lumières, l’espèce humaine se met à se considérer comme détachée du vivant, lequel devient un arrière-plan ou un décor qu’on baptise la « nature ». Le prototype de nos fonds d’écran ? Des paysages de nature ! Aujourd’hui, nous arrivons au point où  le technococon, cette chrysalide technologique qui nous entoure, est devenu tellement épais, multicouches et maillé, que la coupure se révèle anxiogène et dévitalisante. Tout le monde commence à le sentir, si bien qu’on voit émerger une philosophie du vivant extrêmement féconde où l’idée de renouer avec le vivant devient assez centrale. »

Alain Damasio, le réveil des Imaginaires

Recoller les morceaux, voilà notre imaginaire. En finir avec cette fracture entre Nature et Culture. Nous sommes la Nature, l’environnement n’existe pas. Mettre fin aux inégalités, régénérer notre monde, offrir une existence digne et un mode de vie durable aux générations futures, protéger la biodiversité qui reste encore debout, rien que ça !

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Et je devine facilement quelques froncements de sourcils, ou une indignation intérieure : « Mais c’est pas du tout ça que je veux, moi ! ». Je comprends tout à fait, et je le respecte, profondément. Cet article n’a pas vocation à vous imposer notre imaginaire comme souverain et seul plausible. Il a pour but de vous ouvrir les yeux sur la réalité dans laquelle nous vivons, bien trop occultée par des imaginaires illusoires tels que le développement durable, la croissante verte ou encore les énergies renouvelables (habile manipulation des mots car si le vent et le soleil sont effectivement renouvelables, les moyens de récupérer ces énergies ne le sont pas). Ces imaginaires ne sont que de douces promesses destinées à garder la même ligne de conduite : après nous, le déluge.

Profitons du confinement pour démêler le vrai du faux. Pour se poser les bonnes questions. Pour se préparer à la suite. La crise sanitaire du Covid-19 n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les vrais défis sont devant nous, et ils arrivent à toute vitesse.

A l’opposée de l’individualisme dans lequel la société baigne, nous prônons la collectivité et l’entraide. Échangeons nos points de vues, partageons nos compétences. Vous souhaitez nous contacter ? Rien ne nous ferait plus plaisir !

J’espère ne pas trop vous avoir secoué avec cet article (et en même temps, si). Courage dans cette période difficile, prenez-soin de vous, prenez-soin de tous. Demain sera éprouvant. Après-demain sera radieux.

Corentin

 

« Ils me prennent pour un névrosé : je regarde passer une sittelle pendant que se déroulent des choses cruciales. Je lui avais répondu que la névrose se situait au contraire dans la diffraction de nos cerveaux affolés d’informations. Prisonnier de la ville, nourri du perpétuel jaillissement de nouveautés, je me sentais un homme diminué. La fête foraine battait son plein, la lessiveuse tournait, les écrans scintillaient. Jamais je ne me posais la question : en quoi le vol des cygnes serait-il moins important que les tweets de Trump ? »

Sylvain Tesson, la Panthère des neiges

 

Restauration d’une hachette

Restaurer des outils est la manière idéale pour nous de faire honneur aux artisans qui les conçurent, d’apprécier la qualité bien souvent supérieure des fabrications d’antan, tout en acquérant de nombreuses compétences manuelles ! Étanchons donc aujourd’hui notre soif de connaissance avec l’objet qui, au cours de l’évolution de Sapiens, a dû faire couler autant de sang que de sève ! Elle était lancée par les Francs, enterrée par les Amérindiens, échangée à l’âge de Bronze et, dans la mythologie grecque, Héphaïstos aurait même donné naissance à Athéna en fendant de sa hache le crâne de Zeus…

Elle a occupé une place centrale aux côtés de l’Homme, en témoignent les centaines de variantes qui ont traversé les âges et les continents  : francisques, cognées, doloires, labrys, tomahawks… Nous nous occupons ici de restaurer une hachette, plus précisément une hachette-marteau, outil versatile grâce au prolongement d’acier situé à l’opposé du tranchant.

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Voici notre obsession du jour !

Tout d’abord, un peu d’anatomie. Une hache est composée de deux parties distinctes, le manche et le fer. Le manche peut être droit (photo ci-dessus), courbé ou double courbé (modèle que nous allons tenter de reproduire) afin de faciliter la prise en main. Le fer possède un trou, appelé « l’œil » dans lequel le manche vient s’emboîter. L’œil est plus étroit à la base du fer qu’à son sommet, afin de pouvoir évaser le manche avec un coin, pour empêcher la hache de se démancher durant son utilisation.

Le manche

Certaines essences, de par leur robustesse et leur droiture naturelle sont privilégiés pour les manches de hache. En Amérique, c’est bien souvent le caryer (« hickory ») qui est utilisé. En Europe, le frêne ou le robinier font des manches fiables. Quelques balades dans le coin et des connaissances de bases sur l’identification des végétaux permettent de repérer facilement les arbres tombés au cours de l’année. Près de chez nous, un robinier faux-acacia semble avoir été soufflé par une tempête l’automne dernier, on est donc allés en prélever une belle branche droite.

Le robinier faux-acacia est facilement identifiable : outre les épines grossières qu’il arbore, ses fruits sont des gousses aplaties ressemblant à s’y méprendre à des haricots, et pour cause, ils font partie de la même famille : les Fabacées (ou légumineuses dans le langage courant) ! Avant d’aller plus loin, on tient à préciser que le bois utilisé est encore vert, ce qui n’est pas optimal pour la fabrication d’un manche : celui-ci va ensuite sécher et se rétracter, voire fendre si l’hygrométrie (la teneur en eau du bois) chute trop vite. L’idée ici est de se faire la main et de monter en compétence, le temps que le reste du robinier sèche dans un coin !

On a donc commencé à écorcer le morceau, aisément réalisable avec une plane. Le but est d’ôter la matière inadéquate à la fabrication d’un manche, à savoir l’écorce et le cambium. On entreprend ensuite de fendre grossièrement le bois avec un coin et un marteau, afin d’obtenir une pièce du gabarit souhaité. Le reste sera entreposé en attendant qu’il sèche. Fendre du bois droit de fil et vert est un vrai jeu d’enfant !

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Fendue en son centre, on peut observer la moelle, très foncée ici

Il convient ensuite de délimiter la partie à garder pour la réalisation du manche. On dessine à main levée l’œil du fer avant de refendre plus finement cette fois le morceau à tailler.

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Le fer de la hachette est particulièrement bien adapté à cette tâche. Pour l’anecdote, les tomahawks Amérindiens étaient facilement démanchables pour effectuer des tâches très précises : fendre du bois, racler des peaux de bêtes…

Le sens du fer est donné par le sens du bois : le tranchant vers l’intérieur du bois pour une durabilité et une élasticité maximale.

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Avec un peu d’imagination…

Vient ensuite la sculpture du manche, à la plane pour commencer et au couteau pour les finitions et les endroits délicats.

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La plane est un outil formidable ! Bien aiguisée, elle permet d’enlever rapidement et sans effort de beaux copeaux. C’est également un bon moyen d’apprendre à lire le sens du bois (le fil du bois, pour les adeptes), c’est à dire la manière dont l’arbre a poussé, et donc comment les fibres du bois sont disposées. A contrefil, on se rend vite compte qu’on déchire la matière et qu’on emporte toutes les fibres sur notre passage, un vrai massacre !

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A défaut d’un vrai couteau de sculpture, un couteau bien aiguisé est un bon compromis pour façonner le bout du manche. En positionnant le pouce en amont et en rétractant uniquement les autres doigts pour sculpter, impossible de se couper !

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Le fer

La rouille présente sur le fer étant assez superficielle, nous n’avons pas eu à utiliser les grands moyens pour la nettoyer. Une brosse métallique a enlevé le plus gros, du papier ponce (P40 puis P80) a fait le reste. Loin d’être maniaques, on a volontiers laissé les tâches d’acier noirci, lui donnant un petit air « lunaire » !

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Avant, et après !

Son tranchant étant complètement émoussé, elle avait besoin d’un bon affûtage. L’occasion rêvée pour tester notre meule, avec des résultats très satisfaisants !

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Assemblage et finitions

Il ne reste plus qu’à tailler le coin, la pièce qui va venir assembler le fer et le manche. Celui-ci a été taillé dans une chute de fruitier, dense et dur. Le contraste de la couleur rose du cerisier avec le jaune du robinier est également esthétique !

Pour l’assemblage, on vient scier le bout du manche en son centre. On insère le fer, puis on introduit le coin dans la fente avant de l’enfoncer en venant le frapper sur l’établi. On coupe ensuite la portion du coin qui dépasse. Laisser une partie du manche et du coin dépasser de l’œil augmente la résistance de l’ensemble.

La touche finale : on enduit le manche d’huile de lin pour nourrir le bois. Il est également possible d’y appliquer un peu de cire en pâte pour une finition et une durabilité optimale.

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Retour à l’état sauvage…

Voilà un projet très formateur qui se termine, où nous avons appris à fendre du bois, travailler ce dernier pour le transformer en manche, et au cours duquel nous avons (enfin) pu tester notre meule ! Nous retournerons sûrement chercher du robinier pour le faire sécher une année entière, afin de pouvoir fabriquer des dizaines de manches la saison prochaine.

Bien sûr, cette hache est loin d’être parfaite, le manche est certainement trop noueux, un peu courbe et encore vert, l’aiguisage est approximatif… mais c’est notre premier essai, et en toute modestie, on en est un tout petit peu fiers !

Vous aussi, allez fouiner chez vos grands-parents ou dans une brocante, dégotez-vous une hache et donnez-lui un peu d’amour, elles en ont tellement besoin !

Quelques références

Pour ceux qui cherchent à fabriquer un manche similaire, ou à en savoir plus sur ce type d’artisanat « rustique », on ne saurait trop conseiller « Bushcraft 101 » de Dave Canterbury ainsi que « Mains Habiles » d’Albert Boekholt, un ouvrage de techniques de campisme écrit en 1930 destiné aux scouts de l’époque, magnifiquement illustré en toute simplicité (on vous laissera imaginer la débrouillardise de la jeunesse de l’époque), une vraie mine d’or !

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Tiré du livre « Mains Habiles » : chaque illustration réfère à une description détaillée

A très bientôt !

Outils d’hier… et de demain ? – Les chignoles

Bienvenue dans ce premier article d’une (longue) série sur les « Outils d’hier… et de demain ? »

Ces derniers vont nous permettre de vous faire découvrir des outils manuels d’une époque où l’artisanat occupait une place centrale dans notre société. Aujourd’hui tombé dans l’oubli au profit du Made In China et des grandes surfaces, ce savoir-faire est pourtant inestimable et indispensable à qui souhaite construire une société plus résiliente !

L’artisanat manuel est également une ode à la lenteur dans cette société qui veut aller toujours plus vite, au respect des matériaux à l’époque (presque révolue, espérons-le) du plastique et du tout-jetable, et surtout une invitation au silence dans ce monde du bruit permanent.

Loin de nous l’idée de jeter la première pierre ou de pointer du doigt qui que ce soit pour son comportement, d’autant que nous sommes loin d’êtres irréprochables ! L’état (déplorable) actuel de notre monde est le résultat de facteurs humains multiples et complexes qui ne sauraient être résumés en quelques mots, aussi aurons-nous l’occasion d’en parler plus longuement dans d’autres articles dédiés.

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Une chignole à carter et manivelle « Val d’Or » deux vitesses

La chignole, donc, est l’ancêtre de la perceuse électrique. Elle fonctionne uniquement à l’huile de coude, une ressource renouvelable et abondante (chanceux que nous sommes) !

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Eh oui, Peugeot n’est pas qu’un constructeur automobile !

Il existe deux types de chignoles, celles à manivelles (voir ci-dessus), ou celles à vilebrequins (voir ci-après). Les modèles « récents » (tout est relatif) présentés dans cet article possèdent tous un mandrin pour fixer optimalement les mèches, comme sur une perceuse moderne. Les modèles plus anciens, les vilebrequins à empreinte, utilisent une vis de serrage pour tenir la mèche en place (voir dernière photo). Certaines chignoles possèdent même un cliquet, quel bonheur !

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Vilebrequin à mandrin et cliquet

La chignole était très utilisé par les travailleurs du bois (charpentiers, menuisiers, ébénistes). Elle a été massivement remplacée par son analogue électrique, mais continue d’être utilisée par certains artisans traditionnels ou amateurs en tout genre.

Pour notre part, c’est un outil indispensable pour les travaux de menuiserie, notamment pour percer les trous de chevilles et de clavettes de nos assemblages en bois, ou pour dégrossir l’intérieur d’une mortaise avant de la finaliser aux ciseaux à bois. C’est également une activité très paisible et satisfaisante.

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Le scotch blanc indique ici la butée en profondeur du trou à percer

Et les mèches dans tout ça ? Plates, cuillères, à simple ou à double spirale, il en existe une myriade, et nous nous faisons une joie de les acheter par caisses entières en brocante pour les restaurer ensuite et garnir notre collection !

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Avant…

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… et après !

Les mèches de chignole sont de merveilleuses pièces d’acier qui permettent d’effectuer des trous extrêmement propres dans le bois. La qualité et l’état général de son extrémité est déterminante si on veut percer correctement.

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Gros plan sur l’extrémité d’une mèche à simple spirale

La tête d’une mèche à spirale possède trois éléments distincts :

  • La vrille centrale, qui permet de mordre au bois. Si elle est cassée, inutile d’aller plus loin, votre mèche peut prendre sa retraite !
  • Les éperons, qui permettent de découper l’extérieur du bois et de délimiter la taille du trou
  • Le tranchant (ou les tranchants sur une mèche à double spirale), qui va venir enlever la matière à l’intérieur du trou
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Trous pour chevilles dans une queue d’aronde

La chignole n’a été remplacée que récemment par son analogue électrique, c’est donc un outil relativement simple à trouver, que ce soit en brocante, sur Le Bon Coin ou dans l’atelier du grand-père. Pour parfois moins de cinq euros, vous aurez entre vos mains un outil facilement manipulable, presque incassable, qui pourra être transmis sur plusieurs générations, et qui vous permettra enfin de percer des trous ET d’écouter les oiseaux chanter (ou de rester en bons termes avec vos voisins selon l’endroit où vous vous situez) !

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Notre première chignole : si le ravissement avait un visage !

Si vous avez des questions, des remarques ou des outils à nous faire découvrir, n’hésitez pas à nous contacter ou à laisser un commentaire !

Restauration d’une meule à affûter

La liste interminable d’outils que nous voulons acquérir avant notre installation comporte… une meule à affûter ! Aiguiser un outil est primordial pour l’utiliser efficacement, que ce soit un couteau de cuisine, une hache, une faux ou un ciseau à bois. Tous les outils ne s’aiguisent pas sur une meule à affûter, loin de là, mais nous prendrons le temps de vous présenter les autres moyens d’affûtage (fusil, pierres plates…) dans de prochains articles.

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Elle est belle, non ?

Cette belle meule en grès achetée 15 euros sur Le Bon Coin nous a tapé dans l’œil. Son axe est droit, mais on ne peut pas en dire autant de sa surface ! Afin d’aiguiser correctement nos outils dessus, il faudra la redresser (c’est à dire aplanir la surface abrasive de contact, afin d’obtenir un aiguisage uniforme lors de l’utilisation). Il lui manque également un châssis, l’occasion rêvée pour nous de développer nos compétences en menuiserie manuelle : pas d’outils à moteur ici, uniquement le ronronnement de la scie, les percussions du maillet sur les ciseaux à bois et la caresse du rabot sur le bois (j’exagère à peine) ! Les seuls éléments métalliques du cadre seront les tiges filetées, écrous et rondelles qui permettront la fixation de la meule à ce dernier. Nous nous lançons donc le défi de monter le cadre sans clous ni vis, à l’ancienne !

Pour notre premier projet, nous fonçons têtes baissées dans un assemblage de bois classique de la charpenterie : le tenon-mortaise. Le tenon est la partie « mâle » destinée à être emboitée dans la partie « femelle » (très imagé, je vous l’accorde) d’une autre pièce de bois, appelée la mortaise.

Il est bien évident que nous sommes au niveau zéro de l’artisanat, et que le but n’est pas ici d’obtenir un rendu esthétique (même si on essaye très fort !), mais bien d’apprendre en créant des objets durables qui nous rendront de nombreux services plus tard.

Le bois utilisé ici a été récupéré sur des palettes massives datant de plusieurs dizaines d’années déjà (c’était autre chose, la qualité à l’époque) ! Le bois utilisé pour les pieds est très dense et rose pâle. On pense à du bois de cerisier, mais difficile de vérifier sans expertise.

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Vue éclatée du cadre de la meule

Ce type de meule nécessite d’être humidifiée régulièrement durant l’usage afin d’éviter son encrassement et l’échauffement du métal, il convient donc que le bois soit protégé contre l’eau. Une fois le bois brossé et poncé, on vient donc l’enduire de deux couches de vernis espacées de 6 heures.

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Delphine finit d’appliquer la deuxième couche de vernis !

Le vernis enfin sec, on assemble le tout, trépignants d’impatience. On déchante vite lorsque l’on s’aperçoit que la stabilité de notre cadre est au mieux discutable ! En effet, les pieds n’étant pas solidaires entres eux près du sol, du jeu vient déséquilibrer l’édifice. Une erreur de débutant ! Qu’à cela ne tienne, on est là pour apprendre. On ne réfléchit pas bien longtemps avant de sauter sur une solution : relier les pieds les uns aux autres avec un nouvel assemblage de bois : la queue d’aronde (poétique, vous ne trouvez pas ?).

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On assemble chacune des pièces, comme des gosses. Percevoir sa progression entre le début et la fin d’un projet est très enthousiasmant. Notre meule est donc à l’image de notre expérience en menuiserie : en pleine évolution ! Cette dernière n’est d’ailleurs pas encore à son stade final, et il restera à redresser la pierre et à fabriquer un réservoir d’eau (et pourquoi pas, concevoir un pédalier pour l’actionner avec le pied) !

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La revoilà rhabillée pour les cent prochaines années !

J’espère que ce premier article vous a plu ! Il nous donne l’envie d’en écrire dix autres, afin de vous faire (re)découvrir les quelques outils manuels utilisés pour ce projet. Mais puisqu’il faut bien commencer quelque part, le prochain article traitera des outils de perçages !